L’art source de vie
La CLEFT organisation caritative est désormais référencée au Royaume Uni avec un nouveau numéro d’organisme de bienfaisance et la branche Recherche de cette institution est devenue une plateforme de collecte de fonds dans tous les centres, anglais et étrangers, qu’elle soutient.
Beaucoup sont situés dans des pays à faibles revenus et leurs membres travaillent notamment avec des spécialistes bangladais au nouvel Institut national Sheikh Hasina – spécialisé dans le traitement des brûlures et de la chirurgie plastique – afin de créer un centre multidisciplinaire pour traiter plus spécifiquement les enfants souffrant de fentes labiales et palatines, autrefois connues sous le nom de « becs de lièvre ».
Cette disgrâce physique, doit son nom – que l’on pourrait croire tirée d’une fable de Jean de La Fontaine – à l’habitude de l’époque consistant à utiliser un répertoire animalier pour caractériser des malformations physiques – comme culotte de cheval, œil de perdrix par exemple… Pour l’anecdote, c’est en l’occurrence parce que la lèvre supérieure du lièvre est fendue, que l’expression a été ainsi consacrée.
Mais au-delà de cette appellation très imagée, ce type de malformation congénitale de la face est loin d’être anodine. Elle nécessite un traitement chirurgical chez le nourrisson, suivie d’une surveillance étroite de la croissance du maxillaire et de la parole suivie le cas échéant d’une rééducation orthophonique.
Au Bangladesh, la pauvreté est telle que la plupart des enfants nés avec cette déformation ne peuvent bénéficier d’aucune aide chirurgicale.
Ces enfants sont négligés – surtout les filles – et leur structure faciale déformée les condamne à grandir dans l’ombre, sans pouvoir aller à l’école. De surcroît, quand un enfant bangladais nait avec une fente labiale, sa mère est suspectée de malédiction, la malformation du nouveau-né étant apparentée à une punition légitime.
La chirurgie – très coûteuse – n’est jamais une option pour les familles pauvres qui ne savent même pas qu’un traitement existe.
Ces enfants sont donc condamnés dès le départ à la honte et à une mise à l’écart de la société qui finira par faire d’eux des fardeaux sociaux. Dans certains cas extrêmes, ils sont même abandonnés à la naissance.
Et pourtant une simple chirurgie reconstructrice peut changer leur vie.
La CLEFT Bangladesh, initiée en 2018 a pour objectif de fournir un traitement complet et gratuit à tous les enfants bangladais soufrant de cette anomalie congénitale courante… Cette coopération d’ONG et de chirurgiens internationaux permet d’effectuer des interventions chirurgicales dans des hôpitaux ou lors de missions chirurgicales dans tout le pays. Ainsi en 2021, 1467 opérations de ce type ont été recensées au Bangladesh.
Afin de récolter des fonds pour servir cette cause, la CLEFT a mis en vente chez Christies en octobre dernier un tableau de l’artiste anglo-bangladaise Rana Begum dont notre Fondation s’est portée acquéreur . Le prix net de la vente a été reversé en intégralité au bénéfice de cette cause.
Le symbole est là : Rana Begum, connue pour son interprétation magistrale de la subtilité des frontières existant entre la peinture, le design et l’architecture, influencée par la richesse de l’art islamique – parfum de son enfance – est née à Sylhet dans l’est du Bangladesh et a grandi en Angleterre.
De ce kaleïdoscope d’émotions elle a tiré la signature très personnelle d’un langage visuel inspiré à la fois de paysages urbains et de la géométrie variable des motifs de l’architecture islamique traditionnelle.
Le voyage qu’elle propose aux spectateurs est à la fois temporel et sensoriel utilisant des matériaux industriels pour initier un dialogue entre formes, couleurs et lumière.
Inspirée d’artiste latino-américains tel qu’Helio Hoitica et constructiviste comme Charles Bierderman, elle confesse elle-même qu’avant de créer elle réfléchit aux moments où elle peut trouver un “silence inattendu au milieu de la clameur” de l’environnement urbain.
Dans ses œuvres elle affuble des matériaux industriels courants du reflet de l’interprétation personnelle qu’elle a de l’infini que l’on pourrait penser être le fruit d’une sorte de méditation.
Le tableau que nous avons ainsi acquis représente « un grillage acier galvanisé revêtu de poudre »
Il faut voir dans cette démarche un carrefour symbolique entre les origines de l’artiste et l’usage qui sera fait des fonds collectés, tout autant qu’entre le sujet de l’œuvre et la cause servie par la CLEFT.
Que dire de la représentation d’un grillage aux couleurs poudrées ?
Peut-être que par-delà les grilles il y a un espoir pour que chaque enfant né avec un « bec-de-lièvre » au Bangladesh ait la possibilité de vivre une vie pleine et productive.
« L’art est la source de vie »
Ce sont les mots de Romain Rolland, Prix Nobel de littérature de 1915.
Le raccourci me semble suffisamment significatif en l’espèce pour que je l’emprunte à son auteur en guise de préface à l’histoire de l’acquisition de ce tableau.