Dans l’œil des artistes : cycle de conférences à la Maison des Arts et de la Création de Sciences Po
Fondé en 1872 pour contrecarrer les conséquences d’une crise politique et morale qui frappe alors la France de plein fouet au lendemain de la guerre de 1870, l’Institut d’Études Politiques – plus connu sous le nom de « Sciences Po » – entend « former de nouvelles élites et produire des savoirs modernes pour une France nouvelle ».
C’est en tout cas le mot d’ordre et le projet de son fondateur, le journaliste Emile Boutmy, qui pour y parvenir s’entoure de professeurs sélectionnés avec soin pour leur valeur intellectuelle et surtout pour leur « liberté face aux dogmes et aux académismes de tout bord. »
C’est donc avant tout une école libre voulue comme étant susceptible de former une nouvelle élite sans commune mesure avec celle d’un passé voulu révolu.
Le fondateur veut que ses élèves acquièrent un esprit ouvert et curieux, s’intéressent aux enjeux contemporains et se départissent d’une culture classique « déconnectée du présent »
Étant lui-même titulaire d’une chaire d’histoire de l’art à l’École spéciale d’architecture, c’est tout naturellement qu’il inscrit les lettres et les arts au programme initial de son ambitieux projet.
Pour lui l’art est un sujet de réflexion et d’action.
Nouvelles chaires et cycles de rencontres autour des arts et des sciences humaines à Sciences Po
Tout au long du XXème siècle, l’École de la rue St Guillaume a respecté la ligne offrant à ses étudiants des enseignements à large spectre et propres à leur permettre de bâtir des ponts entre l’art, les cultures contemporaines, la littérature, la politique.
C’est en 2009 qu’est instituée la Première chaire professorale d’Histoire de l’Art
Sciences Po a fêté ses 150 ans en 2022 et le 15 mars dernier, dans la droite ligne de sa politique des humanités, l’École a officialisé le lancement de la Maison des Arts et de la Création, consacrant le renforcement des passerelles entre les arts et les sciences humaines et sociales avec de nouvelles chaires et cycles de rencontres autour du cinéma, des arts visuels , de la danse et de la musique..
Son but est de proposer des chaires d’artistes en résidence, tout autant que des ateliers, Masterclass, formations intensives et autres travaux de recherche et projets scientifiques.
Parmi ses initiatives, est prévue celle d’un cycle de quatre grandes conférences annuelles dédiées aux arts plastiques « Dans l’œil des artistes » à laquelle notre Fondation a décidé d’apporter son soutien pour une durée de trois ans.
Un dialogue entre art et philosophie animé par Jean de Loisy et Frédéric Gros
Le principe est d’inviter de grandes figures du monde artistique afin qu’elles soient en mesure de partager leurs modes de création avec les étudiants et autres publics de Sciences Po.
C’est un ancien élève de l’École du Louvre, critique d’art et commissaire d’exposition français, Jean de Loisy, qui animera ces quatre moments forts de l’année avec la maestria qu’on lui connait notamment si l’on se réfère à son émission de radio dominicale diffusée sur France Culture « L’art est la matière ».
Pour cette première année, le fil rouge choisi est « La Crise de la Relation » et c’est le philosophe Frédéric Gros qui sera chargé d’animer les débats.
Ce professeur de pensée politique à Sciences Po, spécialiste de Michel Foucault – un autre philosophe français connu pour la virulence de ses critiques des institutions sociales telles que la psychiatrie, la médecine etc.. et ses théories sur la complexité des relations entre pouvoir et connaissance – contribuera à instaurer un dialogue entre l’art et la philosophie.
Les artistes invités à Sciences Po viennent de tous horizons
Les artistes invités cette année viennent de tous horizons ce qui confère à ce premier volet une richesse et un éclectisme particuliers.
Défileront ainsi à la barre :
- Tino Sehgal, artiste plasticien et chorégraphe germano-britannique qui décrit lui-même ses œuvres comme « des situations construites » et qui est aussi connu pour investir les musées et les transformer en décors de ballet.
- Edith Dekyndt, artiste belge qui fait de toutes les dimensions de l’espace que sont la lumière, le son, la température, les ondes etc… autant de sujets d’inspiration traités avec toute l’acuité et la rigueur scientifique que requiert la reproduction de l’indicible.
- Tomas Saraceno, artiste argentin représentant majeur de l’art environnemental, connu notamment pour ses spectaculaires réseaux tissés par des araignées.
- Kapwani Kiwanga, artiste canadienne d’origine tanzanienne qui a mis à profit sa double formation en Sciences sociales et Arts visuels pour créer des œuvres à valeur symbolique forte qui dissèquent les sociétés contemporaines post-coloniales pour en déconstruire les récits communément admis dans la conscience collective.
Encourager la création artistique pour un avenir meilleur
Notre Fondation a à cœur d’encourager la création. L’art et la culture ont un rôle primordial à jouer dans notre société puisqu’ils nourrissent à la fois l’intellect et les sentiments.
L’initiative du lancement de la Maison des Arts à Sciences Po est une consécration de la prise de conscience du rôle important que l’art peut jouer dans nos vies et pour la construction d’un autre futur.
Marie-Laure de Clermont-Tonnerre ancienne élève de Sciences Po Paris et passionnée d’art contemporain a elle-même initié ce cycle de conférences et a rejoint les membres du Comité artistique. Nous sommes heureux et fiers de soutenir ce projet.
Si le fil rouge de ce premier cycle de conférences 2023 – la Crise de la Relation – était proposé comme sujet de dissertation philosophique, je crois que c’est à André Malraux que j’emprunterais une conclusion salvatrice : « L’art est le plus court chemin de l’homme à l’homme …»