Enseignement: Crise et châtiments…
Contrairement aux idées reçues, largement relayées par le répertoire de certaines chansons des années yéyé, ce n’est pas Charlemagne qui a inventé l’école !
Ce raccourci par trop simpliste est mis à mal par une étude approfondie de l’époque qui reconnait toutefois à cet ancien roi des Francs, fils de Pepin le Bref, soucieux d’unification religieuse et de culture, d’avoir largement contribué à la « renaissance carolingienne » en protégeant les arts et les lettres.
En France comme partout ailleurs le système éducatif a connu d’importantes évolutions à travers les siècles avec un but : celui de conférer un accès de plus en plus large et répandu à l’enseignement pour les Français
Sous l’Ancien Régime, il était incontestablement réservé à l’élite. Soumis à des enjeux multi factoriels issus de considérations politiques, économiques et idéologiques, l’enseignement s’est progressivement démocratisé, sur fond de débats portant sur la liberté de la discipline et sa laïcité
Dés 1789 il devient un enjeu d’importance. Pour les révolutionnaires, un citoyen « éclairé » ne tombera pas dans le piège du culte ou de la dévolution de sa vie à l’unique satisfaction des besoins du système de production : grâce à l’enseignement il deviendra un élément important pour la survie du système politique émergeant qui n’est autre que la Démocratie.
C’est du reste à cette époque que se développent les Grandes Ecoles comme Polytechnique, ou le Conservatoire national des arts et métiers
S’ensuivront différents chapitres de Napoléon à Jules Ferry dont les lois de la fin du19e siècle rendront l’école laïque, obligatoire et gratuite.
L’enseignement est aujourd’hui une composante essentielle de la croissance économique et devenu un enjeu social et un vrai projet de gouvernement. L’éducation est sans conteste le fondement de toute société.
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Alors que penser de la pénurie de professionnels aptes à exercer ce que le Ministre français de l’Education nationale, Monsieur Pap Ndiaye , appelle « le plus beau métier du monde » ?
Ce constat est d’autant plus préoccupant que cette crise du recrutement s’étend au-delà de nos frontières pour toucher toute l’Europe.
Mais pour s’en tenir à la France, il semblerait à l’heure de cette rentrée 2022 que 4’000 enseignants manquaient à l’appel sur 27’300 postes ouverts dans le public et le privé. Pour combattre cette crise le Ministre a annoncé le recours à un recrutement de contractuels formés intensivement en quelques jours avant la rentrée mais qui – assure-t-il – seront par la suite suivis tout au long de l’année.
Autre solution apportée à cette problématique de terrain : le recours aux listes complémentaires, entendons par là la formation de personnes ayant passé le concours l’année dernière mais n’ayant pas été reçues
Est également à l’ordre d’un prochain jour la mise en place d’un concours exceptionnel de titularisation des enseignants contractuels prévu pour 2023.
A ceux qui émettraient des réserves face à ces mesures « palliatives », le Ministre oppose des propos rassurants et pragmatiques :« La grande majorité des enseignants contractuels a déjà enseigné l’année dernière soit plus de 80% d’entre eux. » Et d’ajouter que « le volume d’enseignants contractuels reste très mesuré : 1% dans le premier degré, et 6,5 à 8% dans le second »
Je me suis penché sur ce que le site officiel du gouvernement appelle « le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation ».
Elles sont censées s’acquérir et s’approfondir au cours d’un processus continu débutant en formation initiale et se poursuivant par l’expérience professionnelle et l’apport de formation continue ..
Outre la vocation de départ et la réussite au concours le processus est donc évolutif et empirique.
La liste de ces compétences commence par prévoir qu’un enseignant doit être en mesure de « faire partager les valeurs de la République ». L’action éducative doit s’inscrire dans le cadre des principes fondamentaux du système et dans celui des règlements de l’école.
Pour être au service de la réussite de tous les élèves, il appartiendra au corps enseignant de connaitre tant les élèves que les processus d’apprentissage , de prendre en compte la diversité des élèves et de les accompagner dans leur parcours de formation, d’agir en éducateur responsable guidé par des principes éthiques, de maîtriser la langue française et utiliser une langue vivante étrangère dans les situations qui pourraient l’exiger, intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de la fonction .
La tâche, pour être noble n’en reste pas moins vaste et le spectre des exigences est large. En participant à la construction de la société l’enseignant est acteur d’un système éducatif en évolution constante.
On peut bien ici parler de vocation car devenir enseignant c’est avant tout vouloir transmettre une discipline mais c’est aussi aimer ses élèves et s’avérer être un bon citoyen : ce n’est pas un choix de carrière, mais bel et bien un choix de vie !
On peut envisager de nombreuses raisons à la désaffection constatée dans les rangs depuis quelques années.
Que dire du ressenti des enseignants sur le regard que la société porte sur eux aujourd’hui ? Ils sont de plus en plus nombreux à témoigner de la perte de sens de leur métier, du manque de reconnaissance et de la détérioration de leurs conditions de travail.
Les compétences requises ne sont pas que techniques Il est bel et bien mentionné dans la liste des qualités humaines qui confinent au don de soi. Le métier est complexe et difficile à appréhender pour qui n’en a pas connu les affres du quotidien car au-delà des cours à préparer copies à corriger, il ne faudrait pas sous-estimer fatigue et stress induites par la possible confrontation à la violence nées des conditions de vie de certains élèves
Parallèlement à ce constat de pénurie d’enseignants, il est avéré que dans le même temps, plusieurs centaines de professeurs sont à ce jour en disponibilité, faute de mutations, avec impossibilité d’exercer.
On recense ainsi aujourd’hui plus de 8’800 professeurs en disponibilité pour avoir suivi leurs conjoints.
Ce paradoxe trouve naissance dans une nomenclature administrative qui conditionne la titularisation d’un enseignant au total obtenu par la somme d’un certain nombre de points au long de leur carrière selon un barème établi en fonction de l’ancienneté, des postes occupés etc..
En résumé et pour aussi incongru que cela puisse paraître, l’Education nationale recrute aujourd’hui des contractuels – certes tous pétris de bonne volonté- mais laisse de côté des titulaires formés et expérimentés, qui pour contourner cette mise à l’écart essaient de candidater pour des remplacements de courte durée en tant que professeurs contractuels : mais ça ne passe pas en raison d’une jurisprudence de décembre1989 qui stipule « qu’un professeur en disponibilité ne peut exercer dans ce corps d’autres fonctions contractuelles »
Cette situation cornélienne parait sans issue.
« Un enseignement qui n’enseigne pas à se poser des questions est mauvais » disait Paul Valéry.
Y a-t-il eu un moment où nous aurions omis de nous poser les bonnes?