Frida Kahlo – Au-delà des apparences
Depuis le 15 septembre et jusqu’au 5 mars 2023, le Palais Galliera, musée de la mode à Paris, consacre une exposition évènement dédiée à Frida Kahlo, l’une des artistes les plus emblématiques du XXe siècle. On y trouve, non pas ses œuvres, mais une collection de plus de 200 objets hétéroclites du quotidien de sa vie.
Cette célèbre artiste mexicaine (1907-1954) est devenue – bien malgré elle – une véritable égérie au fil du temps. C’est sans doute le visage le plus reproduit sur des supports de notre quotidien aussi hétéroclites que des magnets, tasses, coussins, sacs, tee-shirts, coques de téléphone jusqu’aux jouets d’enfants depuis que Mattel a commercialisé une poupée à son effigie !
Cette vectorisation purement marketing de son image l’a rendue familière à toutes les générations. Du reste depuis 2007, c’est la « Frida Kahlo Corporation » qui détient les droits à l’image de l’artiste !
Mais en creusant un peu, force est de constater que les jeunes interrogés sur le sujet ne connaissent d’elle que peu de choses … hormis ce visage singulier affublé d’un mono sourcil !
Frida Kahlo est née en 1907 dans une maison bleue devenue célèbre
Frida Kahlo est née en 1907 dans une maison bleue devenue célèbre, qui aurait pu être celle de la chanson de Maxime le Forestier à ceci près qu’elle se trouve dans une banlieue de Mexico et qu’elle est devenue à ce jour un musée consacré à sa vie et son œuvre.
Le destin s’est acharné sur elle dés le départ en commençant par la contraction du virus de la poliomyélite alors qu’elle n’était encore qu’une enfant qui la laissera handicapée et affublée du sobriquet de « boiteuse » par ses camarades de classe.
Il faut croire que loin de se retrouver prisonnière d’un corps en souffrance elle se plait déjà à rêver et utilise la dérision en camouflet pour leur rétorquer avec aplomb : “Des pieds, pourquoi en voudrais-je, si j’ai des ailes pour voler ?”
Adolescente, c’est un accident de la circulation qui la clouera au lit pendant des mois et fera définitivement d’elle une rescapée de la vie, obligée de porter un corset et d’apprivoiser tant bien que mal des douleurs qui ne la quitteront plus.
La peinture sera pour elle un exutoire, une sorte d’explication du miracle de sa survie et plus prosaïquement sa raison de vivre . Son mariage tumultueux avec le peintre muraliste mexicain – et communiste – Diego Rivera lui donnera toute latitude pour développer un anticonformisme et un féminisme militant, refusant de se soumettre à l’oppression de la société qu’elle juge patriarcale et machiste. Elle s’habille et boit de la tequila comme un homme, a une conception très avant-gardiste de la sexualité qu’elle vit librement, affichant sans ambages qu’elle est « bi »!
Ce n’est pas pour rien qu’à l’aube du féminisme naissant dès les années 1960 elle deviendra l’icône de la rébellion des femmes.
On lui prêtera des liaisons avec Léon Trotsky lors de son exil au Mexique voire avec l’auteur du Manifeste du Surréalisme André Breton qui est sans doute celui qui aura trouvé la définition la plus imagée de son art qu’il définit comme étant « un ruban autour d’une tombe »
Elle fera de son apparence et de son corps blessé un étendard aux couleurs de ses préoccupations identitaires et politiques. Les blessures de son âme aussi (elle fera plusieurs fausse couches) seront pour elle sources d’inspiration.
Auto portraits inspirés de ses drames et symbolisant l’échec de ses grossesses
On a recensé 55 auto portraits inspirés de ses drames et symbolisant l’échec de ses grossesses. Ses blessures et le naufrage de ce corps qu’elle ne maîtrise pas la fascinent et l’inspirent.
Le plus poignant à mes yeux est celui dit « les deux Fridas » peint après sa séparation d’avec son mari.
Cette façon presque naïve de représenter les deux facettes d’elle-même, avec la symbolique très anatomique d’un cœur saignant sur l’une des silhouettes et entier sur l’autre et une foule de détails presque imperceptibles à l’œil nu ( comme le portrait de son ex-mari ou encore des ciseaux chirurgicaux) témoignent s’il en était besoin de l’enracinement de son inspiration dans la triste et douloureuse réalité de sa vie.
Il en va de même du « Cerf blessé » ode à la douleur physique et morale qui l’aura accompagnée tout au long de sa vie. Son œuvre est composée de 143 tableaux de petit format – puisqu’elle peignait alitée – imageant son chemin de vie, mais ses corsets ont aussi servi de supports et sont devenus des œuvres.
Dans les salles du Palais Galliera on découvre : vêtements traditionnels hauts en couleurs, correspondance, cosmétiques, mais aussi prothèses médicales et appareils orthopédiques, médicaments, autant d’objets inanimés qui nous révèlent son chemin de vie et nous invitent à la comprendre voire à l’aimer.
On découvre aussi à quel point l’art a été pour elle un refuge et une façon de canaliser sa souffrance et d’empêcher qu’elle ne la submerge. Ses œuvres sont un écho à la définition que Paul Klee* donnait de l’art en ce qu’il « ne reproduit pas le visible : il rend visible »
Opérations coups de poings savamment mises en scène par des groupuscules d’écologistes militants
Dans l’actualité de ces derniers mois on relève certaines opérations coups de poings savamment mises en scène par des groupuscules d’écologistes militants.
L’une des dernières en date a eu lieu au National Gallery de Londres : « les Tournesols » chef d’œuvre de Van Gogh, a été aspergé de soupe par des militants se réclamant du mouvement Just Stop Oil qui exige l’arrêt immédiat de tout nouveau projet pétrolier ou gazier. Pour légitimes que puissent être leurs craintes quant à l’avenir ce sont les mots qu’ils posent en étendard pour tenter de justifier leur geste sacrilège qui m’interpellent : « l’Art n’est pas la vie ».
Peut-être …mais pour beaucoup d’entre nous, que serait la vie sans Art ?
Paul Klee (1879-1940)