L’horloge (climatique): Le jour décroit, la nuit augmente ..*

le changement climatique

L’été que nous venons de vivre, avec son cortège alarmant de catastrophes dites naturelles, aura peut-être aiguisé la prise de conscience de beaucoup d’entre nous de la triste réalité du dérèglement climatique et de ses conséquences.

Selon un sondage récent, désormais quatre Français sur cinq sont conscients de l’ampleur du problème et de la nécessité d’agir.

Si l’on pose la question de l’avenir à Jean-Marc Jancovici, Président du Groupe de réflexion « The Shift Project **» et membre du Haut Conseil pour le Climat, la réponse est éloquente et sans ambigüité : « ce que l’on a vécu cet été – incendies, sécheresse, violence des orages etc …- ne va pas devenir la norme, mais la borne inférieure ». 

Il faut dire qu’en matière de réchauffement climatique, nous autres humains devons nous livrer à un exercice périlleux, voire impossible : nous devons éviter quelque chose qui ne s’est pas encore produit et agir en conséquence pour que cela n’arrive pas ! Or par essence même, nous sommes conditionnés à appréhender ce qui s’est passé pour tenter d’éviter que cela ne se reproduise. «Le réel c’est quand on se cogne », comme le dit Lacan

Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, un constat alarmant s’impose :

Il y a un effet dit « Cliquet » *** qui rend impossible tout retour en arrière puisque le stade critique est désormais dépassé. 

« Dès lors que le CO2 est dans l’atmosphère, il met énormément de temps à s’évacuer ». D’après Jean-Marc Jancovici, à supposer que nous parvenions à stopper définitivement les émissions, la température atmosphérique cesserait d’augmenter de façon quasi immédiate. 

MAIS en revanche « la température des couches profondes de l’océan continuerait sa progression, le niveau de la mer continuerait à monter et les glaces polaires à fondre pendant plusieurs siècles. Ajoutons à cela que la réponse des écosystèmes à des conditions devenues différentes mettrait également un temps fou à s’exprimer. »

Alors que doit faire l’écocitoyen responsable ?

Le gouvernement et les politiques ont aujourd’hui un mot d’ordre – Sobriété !- 

L’idée est d’inciter les Français à multiplier les petits gestes du quotidien pour réaliser de grosses économies : couper le wifi, débrancher les prises électriques, baisser la climatisation… etc..

En ce sens, le gouvernement va lancer à partir du 10 octobre 2022 une campagne de communication avec un slogan fédérateur « chaque geste compte » afin d’éveiller- ou réveiller- les consciences et motiver les actes

A cela s’ajoute un engagement de la Communauté internationale à ce que les émissions humaines soient supprimées d’ici 2050 !

Il nous resterait donc 28 ans pour éradiquer tout ce qui a fait la société industrielle, puisque l’on parle bien ici des énergies fossiles.

Réalisme ? Utopie ?

Une chose est certaine : les petits gestes ne suffiront pas à faire de grandes avancées dans ce domaine. Les comportements les plus significatifs consisteraient à changer d’habitude dans les déplacements, le confort des bâtiments, et les industries.

L’empreinte carbone personnelle est aujourd’hui quantifiable via plusieurs applications et permet d’identifier les gros postes d’émission qui – exception faite du secteur de l’agriculture – correspondent aux gros postes de consommation.

Le salut viendrait donc d’une réduction significative de l’utilisation des machines qui font fonctionner l’économie.

A ce stade des réflexions le gouvernement n’envisage pas de contraintes en matière de réduction d’énergie pour les particuliers, faisant appel à leur sens des responsabilités.

Mais, il est envisagé de demander aux entreprises de réduire de 10% leur consommation, sous peine de sanction.

Est-ce réaliste ?

Prenons l’exemple du transport routier – on peut imaginer que le carburant représente bien près d’un quart des dépenses et les marges de ces entreprises sont faibles. Pour eux, économiser 10% de carburant revient à réduire significativement les dépenses à recettes constantes. Mais pour réaliser ces économies, il leur faudra rouler moins vite – ce qui pourrait ne pas satisfaire les clients – ou procéder à des investissements conséquents pour changer la flotte de camions. 

Il est donc difficile d’imaginer que cela puisse se faire sans contrepartie.

Aujourd’hui, nombre d’entreprises du fait de l’augmentation des prix de l’énergie ont dû réduire leur activité et de facto consomment moins.

Il en va ainsi par exemple des fonderies d’aluminium qui procèdent par électrolyse et utilisent énormément d’électricité. Nombre d’entre elles sont aujourd’hui à l’arrêt.

Mais nous sommes loin de l’adoption du comportement vertueux attendu et l’actualité internationale a sa part de responsabilité dans ce constat-

De plus en plus d’entreprises, grandes et petites, annoncent restreindre leur production, parfois même l’interrompre, comme autant de voyants qui s’allument pour alerter sur la gravité de la situation.

Il est donc urgent d’agir car nous deux épées de Damoclès ne peuvent être ignorées :

  • À la lumière des catastrophes de cet été, il faut urgemment réduire les émissions
  • Les combustibles fossiles sont épuisables et ne renouvellent pas ! Dans quelques décennies, en Europe, la quantité de gaz et de pétrole sera au mieux de la moitié de ce dont nous disposons actuellement 

En France, le gouvernement a annoncé qu’un fonds vert d’1.5 milliard d’euros allait être mis à disposition des collectivités. 

L’initiative est louable, mais un préalable s’impose : celui de la formation et de l’information des équipes !

En 2021 déjà le Shift Project avait rendu un rapport sur la Résilience des collectivités territoriales, établissant un certain nombre de préconisations pour les élus locaux quant à l’attitude à adopter face à ce double constat de la décrue énergétique et du réchauffement climatique. 

La première recommandation consistait à les enjoindre de consacrer 1% de leur  budget à des fins de formation du personnel pour leur permettre de comprendre les problématiques et leurs implications sans oublier de contextualiser les données.

Cette formation est d’autant plus nécessaire que le capitalisme financier mondialisé a de facto des effets pervers dans la réalité de la prise en compte des limites environnementales : la transition énergétique à l’échelle de la planète n’est pas rentable ! L’abondance des énergies fossiles a fait la croissance.  Si elles décroissent rapidement c’est le PIB qui sera en contraction ..

L’enseignement et la formation auraient le mérite de permettre d’éviter l’inévitable confusion entre vitesse et précipitation et la mise en place d’amorces de solutions inadaptées qui loin de solutionner les problèmes pourraient les amplifier .

Il existe cinq sources d’énergies renouvelables issues de l’eau (hydraulique), du vent (éolienne), du soleil (solaire),de la biomasse, ou encore de la terre (géothermique). 

On les prétendait jusqu’à ce jour propres et surtout inépuisables… sauf à considérer le déficit aigu de pluviométrie constaté au cours des derniers mois qui fragilise notre  optimisme en matière de production d’électricité hydraulique…

Le mot d’ordre est bel et bien qu’il est urgent d’agir en nous transformant, car nous adapter ne suffira plus !

Le poème l’Horloge, tiré des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, pourrait être recontextualisé à la lumière de notre monde en danger. Nous devons tout mettre en  œuvre et vite pour éviter la condamnation sans appel du dernier vers : « Meurs vieux lâche, il est trop tard »

*l’Horloge – dernier poème de la section « Spleen et idéal » des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire

**Ce groupe de réflexion œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone. Association loi 1901 d’intérêt général guidée par l’exigence de la rigueur scientifique, sa mission est d’éclairer et influencer le débat sur la transition énergétique.

***procédé énoncé par l’économiste américain du  XXe siècle James Duesenberry dans Income, Saving and the Theory of Consumer Behavior