Penser le vivant autrement

Penser le vivant autrement

La chaire de biodiversité du Collège de France – que nous soutenons pour la 3ème année consécutive – est attribuée pour 2023 à une chercheuse française : Virginie Courtier- Orgogozo, directrice de recherche au CNRS.

Cette ancienne élève de l’Ecole Normale supérieure, agrégée des Sciences de la Vie et de la Terre, a obtenu en 2014 le prix Irène Joliot-Curie de « la Jeune femme scientifique » qui met en valeur et encourage une scientifique ayant soutenu sa thèse depuis moins de 10 ans et s’étant distinguée par des travaux qui en ont fait une spécialiste de talent dans son domaine.

En l’occurrence, passionnée par l’identification et l’étude des mécanismes impliqués dans l’évolution des espèces, elle essaie d’en tirer des conclusions exploitables pour mieux comprendre les origines et le devenir des espèces vivantes… dont nous faisons partie.

Les mécanismes de l’évolution, la génétique et le forçage génétique sont les axes principaux de ses travaux et elle est notamment responsable de l’équipe « Évolution des drosophiles » à l’Institut Jacques Monod, unité mixte de recherche du CNRS et de l’Université Pairs Cité.

Il est intéressant de noter à ce niveau l’intérêt que la communauté scientifique porte depuis longtemps aux drosophiles, ces petites mouches aux yeux rouges utilisées comme modèle animal, notamment dans le domaine de la génétique.

Il semblerait – aussi étonnant que cela puisse paraître – qu’elles disposent de capacités cognitives tout à fait significatives et largement sous évaluées, qui devraient nous inciter dans un futur proche à les considérer comme un modèle digne d’intérêt pour se livrer à l’étude de fonctions cognitives supérieures.

Les capacités d’apprentissage et d’attention chez ce petit insecte ont été mises en évidence et à la faveur de mise en condition dans un environnement de réalité virtuelle, il a pu être constaté la formation et disparition d’une trace mnésique dans leur mémoire à court terme, alors que jusqu’à présent, ces fonctions semblaient n’être attribuées qu’aux seuls mammifères.

Virginie Courtier- Orgogozo a notamment participé à la création d’une base de données des gênes et mutations jusqu’à présent identifiés par la communauté scientifique internationale qui sont jugés responsables d’un certain nombre de différences comportementales ou morphologiques naturelles chez les plantes et les animaux.

Il en ressort que pour être caractérisée, l’évolution emprunte un nombre restreint de chemins génétiques qui la rend prédictible au moins en partie. 

De là à « philosopher» il n’y avait qu’un pas allègrement franchi par la chercheuse pour développer en parallèle une activité plutôt fertile et productive autour du concept de gêne, de développement mais aussi d’identité et de hasard…

On lui doit aussi plusieurs articles dénonçant l’identification des risques associés à la nouvelle biotechnologie de forçage génétique 

Le monde vivant est fascinant et la compréhension de l’extrême complexité et sophistication de ses rouages est la condition préalable essentielle à la durabilité de notre planète terre : pour qu’elle continue à être habitable par nous humains, il est indispensable que nous relevions le défi du XXI e siècle qui vise à appréhender le monde vivant et la biodiversité.

Le cours 2023 de cette chaire du Collège de France tentera d’analyser un certain nombre de caractéristiques non intuitives du monde vivant comme son ancrage dans un processus historique, ses nombreuses interconnexions et les trajectoires empruntées au cours de son évolution.

Il y sera aussi démontré l’indicible modification de notre perception du monde vivant induite par la domestication et le rôle joué ici par les séquences d’ADN avant d’aborder en conclusion les différentes conceptions actuelles de la nature.

Cette année encore, la chaire annuelle de biodiversité apportera un éclairage sur les débats qui se tiennent autour du monde vivant, de l’environnement et de la biodiversité.

Selon les formes propres au fonctionnement du Collège de France, la diffusion des travaux scientifiques prendra la forme d’enseignements gratuits et ouverts à tous assurés par le professeur invité et titulaire pour les mois à venir 

La leçon inaugurale est prévue le 9 février prochain avec un titre qui sonne comme le préambule obligatoire à une suite qui nous concerne TOUS : « Penser le vivant autrement ». 

Brandie comme un étendard, cette injonction ne doit pas rester un vœu pieux. Si nous avons longtemps raisonné et aménagé notre compréhension de la biodiversité et de sa dynamique de façon biaisée en tentant de la limiter à celle des espèces terrestres en interaction avec nous, force est de constater que la crise qu’elle traverse actuellement dépasse ce prisme et que nous devons rapidement trouver les moyens de l’enrayer.

« Dans la vie rien n’est à craindre, tout est à comprendre » 

Ainsi parlait Marie Curie !

La chaire de biodiversité a un rôle pédagogique important à jouer dans l’accession à la compréhension de ce qui nous échappe encore afin d’optimiser les actions que nous devons tous mener pour assurer la survie de la biodiversité … et partant, de la nôtre !